D’avant la guerre civile

2023

Tirages argentiques et texte, feuillets de classement vintage

 

La guerre que je raconte a vraiment eu lieu.

C’est celle qui a déchiré le Liban entre les années 70 et 90.

Mon père habitait Beyrouth quand les bombes et les massacres commencèrent à embraser la capitale, l'obligeant à quitter le pays.

Les projets de mes parents basculèrent à tout jamais. Au lieu de le rejoindre tel que prévu, le reste de la famille est resté en Europe, tandis que lui est parti en Amérique du Sud.

À ce moment-là, une autre guerre a éclaté, de plus petite taille mais de même nature : au sein d’une même communauté, deux factions ont commencé à lutter entre elles, avec haine et violence, de façon de plus en plus intense et pendant longtemps. 

 

Ce conflit interne à notre famille a eu des conséquences, bien sûr : destruction, maladies, exils et une paix impossible, exactement comme au Liban.

Mais ce n’est pas de l’après-guerre avec sa charge de douleur et de dévastation dont je veux parler.

Ce qui m’intéresse, c’est ce qui reste intact, ce qui a survécu et qui ne peut s’effacer : mes images-mémoire, qui sont mes tout premiers souvenirs d'images, mais aussi mes images-fantômes.

 

Et puisqu’il n’y a plus d’archives dans ma famille, puisque les albums photos et d’autres souvenirs ont été désintégrés dans la lutte armée, j’ai voulu non pas reconstruire ces images-fantomes comme on reconstruirait un pays après une guerre, mais photographier ma mémoire, qui est faite des lieux et des temps, des sensations et des images d’avant cette guerre larvée qui n’en finit plus.

J’écris mes archives en photographie, parce que ce qui a été existe encore

Ce travail a été créé à l'occasion de l'exposition Archives et ainsi de suite à l'Immixgalerie, Paris.