2017-2022
Une performance photographique et littéraire
En 2009, en voyage en Turquie, je croise le chemin de Özkan, qui m'ouvre les porte de sa maison perdue dans l'immense banlieue d'Istanbul. J'y découvre le plus précieux des trésors, une bibliothèque de plusieurs milliers de livres en différentes langues. Mais aussi, une immense collections de journaux et magazines d'époque, des centaines de vinyles et de cd, des classeurs de cartes postales anciennes, par dizaines... C'est pour moi un véritable choc visuel, mais surtout la sensation d'avoir trouvé un complice dans ce vaste monde.
Quelques années plus tard, j'entame ce projet artistique qui parle de l'amour pour les livres et pour la littérature, de la passion pour les images et du plaisir de les regarder encore et encore, de la boulimie de savoir et de l'urgence de rien laisser à côté.
Et du vide sidéral qui provoque la perte du plus grand plaisir de sa vie.
« Sur les hauts-plateaux de la mer Noire qui m’ont vu naître, il n’y avait pas de livres.
Rien d’autre que des chèvres au pâturage, des vergers de cerisiers et des immenses forêts vierges. »
Ainsi commence l'histoire d'une rencontre improbable. Celle avec un monsieur né dans les années trente d'une mère analphabète et qui a grandi dans une campagne reculée de l'Anatolie, au moment où la langue turque troquait l’alphabet arabe pour les caractères latins.
Ce vieux monsieur, me disais-je, appartient à un autre monde que le mien. Il est ce qu’on appelle « un homme à l’ancienne » : il ne s’occupe pas de la maison, il se laisse traiter comme un roi par sa femme, il demande tout ce dont il a besoin sans se préoccuper de se débrouiller tout seul.
Pourtant, c’est dans sa bibliothèque que j'ai découvert sa vraie histoire.
Et un peu de la mienne aussi.
Approchez et touchez
La salle est ouverte, on entre dans l’odeur de fumée, il y a des cendres au sol, les photos en partie consumées gisent éparpillées sur une table. Nous sommes tentés de penser qu’il s’agit là de mort et qu’un chant funèbre va s’élever. Mais non, c’est de la vie dont il s’agit. De l’abondance et de la vie.
Elle dit « approchez et touchez ces photos ».
Sylvie Paligot-Grimal
« Finalement, j’ai dû quitter Vienne pour rentrer en Turquie et accepter de travailler avec mon père. Je me suis marié –trois fois– et j’ai eu trois enfants. J’ai bien gagné ma vie et j’ai respecté toutes les règles imposées par la société.
Pourtant, ma vie je l’ai vécue sur les scènes de théâtre.
Mon âge est défini par le nombre des vers d’un poème.
Mon histoire, vous pouvez la lire dans les pages d’un roman. »
La bibliothèque qui brûle
Videorama (6'17')
Production GLK © 2022
« En Afrique, quand un vieillard meurt c'est une bibliothèque qui brûle. »
Amadou Hampâté Bâ
La bibliothèque qui brûle est une performance photographique et littéraire autour d'une série de photographies brûlées, des images devenues objets uniques à toucher, humer, se passer de main en main. Il y a aussi des textes lus ou improvisés, des histoires qui s'entrelacent et sautent les barrières du temps, et beaucoup de livres aimés, donnés et partagés. Surtout, il y a l'émotion de la rencontre et de la transmission entre personnes, comme un hommage à l'altérité, pour qu'elle ne fasse pas peur.
Ce projet a vu le jour lors d'un workshop Imago proposé par Bruno Dubreuil et Oleñka Carrasco, que je remercie pour leurs encouragements.
Le vidéorama La bibliothèque sonore réunissanr une sélection des photo-objets, des extraits audio et des gestes de la performance La bibliothèque qui brûle a été réalisé en 2022 grâce à l'aide incontournable de Jean-Luc Chekroun.